Comme souvent, il aura suffi d’un tweet du milliardaire fantasque Elon Musk pour faire plonger le cours de la plus célèbre des monnaies virtuelles de la planète, le bitcoin.
Le fondateur de Tesla vient en effet d’annoncer qu’il ne serait plus possible d’acheter ses bolides électriques en bitcoin, afin de préserver l’environnement, le minage (la création via des PC) de bitcoins consommant trop d’électricité à l’échelle mondiale : « Nous sommes inquiets du recours de plus en plus important aux combustibles riches en carbone pour miner des bitcoins, a-t-il tweeté. Tesla ne vendra plus de bitcoins et nous les utiliserons pour des transactions quand le minage passera aux énergies durables. »Depuis ce message, le cours du bitcoin s’est effondré de 30% en quelques jours, la baisse des cryptomonnaies effaçant plus de 400 milliards de dollars d’un marché estimé à un peu plus de 2 000 milliards de dollars, selon Coinbase.
Pour rappel, la monnaie immatérielle créée en 2008 ne possède ni banque centrale, ni organisme central, ni institutions financières pour le réguler. L’influence de ses principaux acteurs, en mesure d’influer sur son cours, reste difficile à connaître et mesurer. Le bitcoin fonctionne grâce à un réseau mondial d’ordinateurs actifs surnommés les « mines », et bien évidemment gourmands en électricité. Tout comme Internet, le stockage de données distant (cloud) ou le streaming vidéo, l’industrie du bitcoin est donc énergivore, et donc polluante. La consommation d’énergie qu’elle suppose équivaut désormais à la consommation d’un pays entier tel que la Pologne, ou d’un tiers de celle de la France. S’il était un pays, le bitcoin serait même classé au 28e rang sur 196 dans le monde en terme de consommation d’électricité, selon une récente étude de l’Université de Cambridge. 40% de cette énergie proviendrait de sources renouvelables.
La plus célèbre des cryptomonnaies absorberait actuellement près de 150 terrawatts/heure d’électricité par an, selon l’université de Cambridge. Le Bitcoin génèrerait donc 55 millions de tonnes de C02 par an, quant, à titre de comparaison, l’exploitation des mines d’or rejette 81 millions de tonnes de C02 par an. Et si la bulle des cryptomonnaies se dégonfle, au lieu que celles-ci s’imposent comme une mutation majeure du système monétaire mondial, alors toute cette énergie aura été consommée en vain.
C’est en Chine que l’activité liée aux bitcoins est la plus intense : environ 65% sont créés (minés) en Chine. Jusqu’à présent en tout cas : trois fédérations bancaires chinoises viennent à leur tour de s’en prendre à la célèbre monnaie virtuelle. Les cryptomonnaies « ne sont pas de vraies devises », ont-elles estimé le 19 mai, mettant les investisseurs en garde contre la spéculation, qui « porte gravement atteinte à la sécurité des biens, des personnes et perturbe l’ordre économique mondial ». Une prise de position paradoxale alors que, justement, la Chine prépare le lancement de sa propre monnaie virtuelle, émise et encadrée par la banque centrale chinoise. Une future monnaie nationale dématérialisée, destinée à remplacer l’argent liquide, censée faire ses débuts l’an prochain, au moment des Jeux olympiques d’hiver de Pékin. Et une façon de plus de contrôler le quotidien de tous les citoyens chinois via leur smartphone, nouveau geôlier d’une vie connectée sous omnisurveillance. Car la fin de l’argent liquide fait aussi partie des rêves des dictatures.
Judikael Hirel
Source : The Guardian
Cet article est publié à partir de La Sélection du Jour.